AAP 2019 – Retour sur le projet ETOF

AAP 2019 – Retour sur le projet ETOF

ETOF – Etude des textiles du Ouadi el-Jarf

Le projet ETOF « Étude des textiles du Ouadi el-Jarf » propose une étude interdisciplinaire pour mettre en place une approche globale des textiles découverts sur le site du Ouadi el-Jarf (Egypte) en intégrant leurs typologies, leurs techniques de tissages et l’identification des substances dont ils ont été enduits. Ceci permettra d’aborder l’histoire des techniques associées aux textiles, aux procédés pour les adapter à des usages spécifiques et à l’identification des ressources impliquées. D’autre part, les matériaux dont les textiles sont enduits sont susceptibles d’être des « contaminants » pour la datation par la méthode du carbone 14 (Quiles et al, 2014). Il sera donc nécessaire de les extraire afin d’intégrer ces textiles dans des modèles chronologiques.

Le site du Ouadi el Jarf
Le site du Ouadi el Jarf est fouillé depuis 2011 par une mission de Sorbonne Université (Orient & Méditerranée UMR8167) et de l’IFAO (Institut Français d’Archéologie Orientale). Il s’agit d’un complexe portuaire particulièrement bien préservé, situé sur la rive occidentale de la mer Rouge et datant du début de la IVe dynastie.

Le Ouadi el-Jarf apporte de nouvelles perspectives historiques et archéologiques pour la connaissance des règnes peu documentés du début de la IVe dynastie. En plus d’outils lithiques et en cuivre, des conditions de conservation exceptionnelles ont également permis la préservation de pièces de bois, de cordages, de vannerie, de textiles et cuirs comme des foyers et des fibres végétales naturelles en grand nombre.

Issus de l’activité civile, les textiles étudiés sont une source précieuse d’informations : produits utilisés, techniques de tissage, processus d’altération. Une première série a été sélectionnée lors de la campagne de fouilles 2018 pour être analysée.

Méthodologie d’étude des textiles

Afin de préciser la fonction de ces textiles, le projet ETOF vise à développer une approche globale qui combine les méthodes historiques, stylistiques et archéométriques. Il s’organise selon les axes suivants :

1] Tout d’abord une étude technique et typologique des textiles, des fibres qui les constituent et des méthodes de tissage.

2] Ensuite une étude archéométrique intégrant caractérisation et datation. D’une part pour préciser la nature des produits présents avec les textiles et d’autre part, pour les extraire afin de s’affranchir de ces contaminants pouvant affecter la datation carbone 14. Ce volet s’intègre dans le cadre de la thèse de Marie Ferrant[1].

3] Dans une démarche interdisciplinaire, l’ensemble des données sera confronté et discuté pour préciser la fonction des différents types de textiles et leurs usages.

Des protocoles d’analyses ont tout d’abord été développés en France au sein du laboratoire MONARIS – Sorbonne Université/CNRS. Cette méthodologie a ensuite permis une approche combinant analyse sur site et en laboratoire au sein du Pôle Archéométrie de l’IFAO au Caire, préalablement à la datation des échantillons.

[1] « Le textile en tant que marqueur chronologique pour l’Egypte Ancienne : approches archéométriques croisées de caractérisation et de datation », thèse débutée en octobre 2018 sous la direction de L. Bellot-Gurlet (MONARIS, UMR8233 SU/CNRS) et d’A. Quiles (IFAO), sur financement MESRI fléché IFAO.

Une meilleure connaissance technique et archéométrique des textiles pour contribuer à la construction d’une chronologie absolue

Grâce au travail exploratoire réalisé par Eléonore Frayssignes, de premiers résultats ont permis d’en savoir plus sur le tissage des toiles de lin et de les rapprocher des techniques connues (Frayssignes, 2016).

Les études entreprises par Marie Ferrant, qui reposent principalement sur la spectroscopie infrarouge, amènent à formuler plusieurs hypothèses quant aux textiles retrouvés sur site ainsi que sur les matériaux organiques dont ils ont été imprégnés. Des cordages ont été étudiés, ainsi que des toiles de lin visiblement enduites de substances noires. L’usage de fibre végétales beaucoup plus rigides que le lin (telles que le papyrus, le palmier dattier, le palmier doum ou encore l’alfa) a pu être confirmé par spectroscopie infrarouge pour la confection des cordages retrouvés. Les analyses menées sur les toiles de lin, combinant la spectroscopie infrarouge et la chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS) fournissent des pistes quant à l’imprégnation de ces textiles. La détection de nombreux acides gras permet de penser que des graisses animales ou végétales ont été utilisées. De même, certaines molécules, détectées en faible quantité, laissent supposer la présence de résines végétales. Les études archéobotaniques menées sur le site du Ouadi el Jarf attestent la présence de résineux comme matériau de construction pour les navires, et d’éventuels liens avec la présence de ce type de résine seront à préciser.

Les missions de terrain et de travail à l’IFAO interrompues par la crise sanitaire mondiale reprendront pour poursuivre ce travail minutieux sur le site du Ouadi el Jarf.


Références :
Frayssignes E. (2016) Nouvelles perspectives sur les techniques de tissage à l’Ancien Empire : une attestation textile de l’utilisation de métiers à chaîne tubulaire (ouadi el-Jarf, mer Rouge), NeHeT, 4, 45-58.

Quiles A., Delque-Kolic, E., Bellot-Gurlet, L., Comby-Zerbino, C., Ménager, M., Paris, C., Souprayen, C., Vieillescazes, C., Andreu-Lanoë, G., Madrigal, K. (2014). Embalming as a Source of Contamination for Radiocarbon dating of Egyptian Mummies: On a New Chemical Protocol to Extract Bitumen, ArcheoSciences, 38, 135‑149.

Tallet P., Marouard G. (2014). The Harbor of Khufu on the Red Sea Coast at Wadi al-Jarf, Egypt, Near Eastern Archaeology, 77(1), 4-14.

Tallet P., Marouard G. (2016). The Harbor Facilities of King Khufu on the Red Sea Shore: The Wadi al-Jarf/Tell Ras Budran System, Journal of the American Research Center in Egypt, 52, 135-177.

Tallet P. (2017). Les papyrus de la mer Rouge I. Le « journal de Merer » (Papyrus A et B), Mémoire de l’Institut Français d’Archéologie Orientale, 136, Le Caire.

Équipe du projet :

  • Pierre TALLET PU Orient et Méditerranée UMR8167 Sorbonne Université/CNRS, Faculté des Lettres
  • Eléonore FRAYSSIGNES chercheur associé Orient et Méditerranée UMR8167 Sorbonne Université/CNRS, Faculté des Lettres
  • Aurore CIAVATTI Post-doc Orient et Méditerranée UMR8167 Sorbonne Université/CNRS, Faculté des Lettres
  • Aline PERCOT MC MONARIS UMR8233 Sorbonne Université/CNRS, Faculté des Sciences et Ingénierie
  • Céline PARIS IE MONARIS UMR8233 Sorbonne Université/CNRS, Faculté des Sciences et Ingénierie
  • Marie FERRANT Doctorante MONARIS UMR8233 Sorbonne Université/CNRS, Faculté des Sciences et Ingénierie
  • Ludovic BELLOT-GURLET PU MONARIS UMR8233 Sorbonne Université/CNRS, Faculté des Sciences et Ingénierie
  • Anita QUILES IR IFAO Institut Français d’Archéologie Orientale, Le Caire