• Institut

Portrait de doctorante : Céleste Gatier

Céleste Gatier est lauréate d'un contrat doctoral OPUS depuis 2021. Elle nous parle de son parcours et de sa thèse : « Un maillon manquant dans l’histoire du thé – pièces de thé japonaises transférées en Occident 1860 – 1960 » sous la direction de Jean-Sébastien Cluzel.

Pavillons de thé japonais et européens

A la croisée de l’archéologie, de l’histoire de l’art, de la linguistique et de l’anthropologie, le projet doctoral de Céleste Gatier « Un maillon manquant dans l’histoire du thé – pièces de thé japonaises transférées en Occident 1860 – 1960 » recense et étudie ces éléments architecturaux destinées à la pratique de la cérémonie du thé et introduits en Europe ou aux Etats-Unis lors des expositions universelles et internationales.

Pour Céleste Gatier, le chemin conduisant aux pavillons de thé japonais commence dès l’enfance, où sa famille la sensibilise à l’architecture. Elle s’engage dans des études d’architecture et se passionne alors pour les cours d’histoire de l’art. Elle s’inscrit alors à la faculté des Lettres de Sorbonne Université (alors Paris 4) et se spécialise rapidement dans l’architecture japonaise.

Influences et filiations

La première partie de son projet de thèse comprend la constitution d’une base de données à partir de relevés de mesures des différents pavillons de thé aujourd’hui encore présents en Europe et au Japon, ainsi que des archives (photographies, plans et descriptions) concernant les édifices disparus.

L’objectif est de pouvoir les comparer avec ceux connus au Japon et d’en établir les différentes influences et filiations.

A partir du XVIIe, la cérémonie du thé évolue et se scinde en deux voies : l’une érudite et sinisante (chanoyu), l’autre plus libre, fondée sur la consommation du thé infusé, et relevant d’une culture populaire. Cette dernière pratique n’ayant pas fait école, elle aurait été oubliée. Et les pièces de thé inscrites dans une pratique populaire apparaissent comme le maillon manquant dans l’histoire architecturale de la culture du thé. 

Pavillon ouest du jardin japonais d’Albert Khan, datant de la fin du 19ème siècle © J.-S. Cluzel

Dès 1867, où le Japon participe pour la première fois à une Exposition Universelle (à Paris), le thé est choisi comme outil de diffusion de la culture japonaise. De nombreux pavillons de thé sont alors installés en Occident.

Or il semble que certains soient représentatifs de ces formes de rencontres moins codifiées autour du thé et dont les pièces destinées n’auraient donc pas subit le même destin que celles de l’archipel nippon.

Au delà de la numérisation de ces édifices, la thèse s’interresse aussi à leur usage. Chaque éléments d’un pavillon de thé induit un déplacement et une gestuelle particulière. Ainsi, les petites portes d’entrée de certaines pièces de thé mesurent environ 60 X 60 cm et obligent à s’incliner pour y pénétrer.

 

Étude métrologique et des usages d’un pavillon du jardin japonais d’Albert Khan datant de la fin du 19ème siècle

Archéologie expérimentale

Pour aller plus loin dans la compréhension de ces pratiques, Céleste Gatier adopte une approche d’archéologie expérimentale et s’initie notamment à la cérémonie du thé auprès de maîtres de thé de l’école Urasenke.

Bien sûr, la compréhension globale du sujet nécessite une certaine maîtrise de la langue japonaise, qu’elle étudie depuis la licence en histoire de l’art. Une partie de son travail se consacre d’ailleurs à la réalisation d’une anthologie de textes japonais et français, traitant des pièces de thé et publiés depuis le milieu du XIXe siècle. Ce recueil de textes permettra de réaliser une étude critique inédite, qui apporterai des éléments d’explication sur l’histoire des différentes pratiques de la cérémonie du thé au Japon.

D’autres pratiques de la cérémonie du thé : Utamaro, Kinkishoga (« Les quatre réalisations »), v. 1788-90

Au fil de l’avancement de sa thèse de nouvelles pistes de recherche sont mises à jour, comme la dimension acoustique des pavillons de thé qui est encore peu étudiée.

Mais pour l’heure, Celeste Gatier poursuit son travail d’inventaire et prévoit un séjour au Japon pour consulter les archives du Nichibunken (International Research Center for Japanese Studies), du Kyoto Institute of Technology et étudier in situ des pavillons de thé dans la région de Kyoto.

Bibliographie

- BONNIN Philippe, NISHIDA Masatsugu, INAGA Shigemi (dir.), Vocabulaire de la spatialité japonaise, Paris, Éditions du CNRS, 2016.

- CLUZEL, Jean-Sébastien, « La fabrique de l’histoire de l’architecture – Les pavillons japonais dans les expositions universelles » in Meiji – Splendeur du Japon impérial, catalogue d’exposition présentée du 12 octobre 2018 au 14 janvier 2019 au Musée national des arts asiatiques Guimet, Paris, Éditions Lienart, 2018, p.86-95.

- CLUZEL Jean-Sébastien (dir.), Le japonisme architectural en France 1550-1930, Dijon, Faton, 2018.

- ENGEL Heinrich, The Japanese House, A Tradition for Contemporary Architecture, Rutland et Tokyo, Charles e. Tuttle Compagny, 1964.

- FEHRER Wolfgang, The Japanese Tea House, Salenstein, Niggli, 2020.

- HARUMICHI Kitao, Cha-No-Yuin Detailed Illustrations, Tokyo, Shokokusha, 1953.

- HARUMICHI Kitao, Chashitsu kenchiku, 茶室建築, [Architecture de la pièce de thé], Tokyo, Shokokusha, 1956.

- HORIGUCHI Sutemi, Chashitsu kenkyū, 茶室研究 [Recherches sur la pièce de thé], Tōkyō, Kajima Shuppankai, [1969] 1987.

- LACHAUD François, Le vieil homme qui vendait du thé : excentricité et retrait du monde excentricité et retrait du monde dans le Japon du XVIIIe siècle, Paris, Éditions du Cerf, 2010.

- MAGAIL J., MONNA F., et al.,. « Applications de la photogrammétrie à la documentation de l'art rupestre, des chantiers de fouilles et du bâti », Bulletin du Musée d'anthropologie préhistorique de Monaco, 2017, n°56, p. 69-92.

- NAKAMURA Masao, Chashitsu to roji, 茶室と露地 [La pièce de thé et le jardin de thé], Tokyo, Shogakkan, [1972] 1979.

- NAKAMURA Masao, Koten ni manabu chashitsu no sekkei, 古典に学ぶ茶室の設計 [La conception architecturale de la pièce pour le thé], Tokyo, Kenchiku Chishiki, 1999.

- OKAKURA Kakuzô, Le livre du thé, Paris, André Delpeuch, 1927. (Version originale de 1906 traduite de l’anglais par Gabriel Mourey).

- SAID Edward W., L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 2005.

-TAKEDA Goichi, Chashitsu kenchiku ni tsuite, 茶室建築について [À propos de l’architecture des pièces de thé], Kyoto, Koto shoin, 1946. 

Numérisation 3D

Exemple de numérisation 3D réalisée par la Plateforme de numérisation et modélisation 3D (Plemo 3 D) de la Faculté des Lettres Sorbonne Université.

Vidéo Plemo 3D